vendredi 22 janvier 2016

Résister d’une double façon


À la terreur islamiste chez nous






   Hier matin, l’invité de l’émission radio de Matin première sur la RTBF, était Gilles Kepel, universitaire et spécialiste français de l’islam et du monde arabe.
Très intéressante interview. A propos des derniers attentats de Paris de novembre 2015, Gilles Kepel établissait une importante différence entre les attentats meurtriers de janvier (à Charlie Hebdo et à l’Hyper Casher de Vincennes) et ceux, beaucoup plus importants en nombre de victimes, perpétrés au Bataclan, aux terrasses de café dans le cœur de Paris, et sans doute empêchés au Stade de France. Si dans le premier cas, une petite part de la population a pu affirmer « Je ne suis pas Charlie », voire pire et oser se dire « Je suis Kouachi », tel n’est plus du tout le cas, d’après Gilles Kepel, face aux derniers crimes perpétrés par de jeunes délinquants reconvertis en islamistes fanatisés à la va-vite. Car, affirme le spécialiste, contrairement au 7 janvier, on peine, après le 13 novembre, à trouver des gens qui expriment publiquement le moindre soutien à Abaaoud et à ses comparses. Le fait que ces attaques aient ciblé de manière indiscriminée la jeunesse, composée aussi de jeunes musulmans, a suscité un rejet massif. »
Car que veut l’organisation criminelle et mafieuse Daesh ? La guerre civile en nos pays, répond fermement Kepel. Que suite aux attentats, et dans l’espoir de réactions vengeresses violentes (des pogroms) de la part des Français (ou autre peuple européen visé), la communauté musulmane française (et musulmane européenne) se rallie à sa cause à elle.  « L'économie politique du terrorisme jihadiste est à la fois fragile et double : d'une part, il faut sidérer l'adversaire, l'obliger à se raidir, et d'autre part, il faut galvaniser les sympathisants pour avoir des soutiens. »
Avec les derniers attentats qui ont particulièrement touché indifféremment et aveuglement toute la jeunesse, elle a fait en quelque sorte long feu.

  Il faut donc chez nous résister d’une double façon. Evidemment, d’abord, donner toutes latitudes (sous la surveillance parlementaire) aux Services de Sécurité nationaux et européens pour traquer l’ennemi intérieur ; ça me semble le plus élémentaire et à la fois le plus effectif. Mais ensuite, si on entend bien Gilles Kepel, dans le monde de la doxa, il faut aussi combattre la tendance à mettre tous les musulmans dans le même sac. Il faut donc résister aux discours (de plus en plus décontractés hélas) qui s’obnubilent de détails communautaires, comme le port du voile (pourvu qu’il ne soit pas islamiste – il y en a), d’heures de baignade ou de repas hallal dans les cantines. Des aménagements raisonnables (et seulement raisonnables, j’insiste) sont tout à fait possibles sans menacer notre sacro-sainte ( !) laïcité.

  Sans quoi, la doxa anti-musulmane et monomaniaque fera encore un peu plus le lit de l’islamisme.

   Il suffit d’entrer dans le raisonnement de Gilles Kepel pour comprendre que l’E.I. n’attend que cela de notre part, nous, européens, nous ce ventre mou d’après lui.

  Car, comme le recommandait avec tant de pertinence, le sage Gandhi, tu te dois de connaître les points faibles de ton adversaire. Or le point faible du terrorisme islamiste, c’est de ne pas arriver à traduire en termes politiques la terreur qu’il sème. Et si nous résistons à la systématisation de tous musulmans chez nous, il est affaibli sur ce plan-là. Et c’est essentiel.

27 commentaires:

  1. Kepel ne fait ici que répéter ce que tout le monde sait ou devrait savoir. Les deux points que vous mentionnez sont essentiels. La fermeté doit venir de nous tous, dans les discussions autour de nous, avec les jeunes et les parents, les profs et surtout les élèves (qui se tirent une balle dans le pied avec les chahuts en cours, les manques de respect). - Le second point vise le fameux "amalgame / pas d'amalgame" sur toutes les lèvres aujourd'hui. Il faut tenir compte du poison que représente la religion monothéiste en général, dont les trois formes n'ont cessé de s'affronter et qui, comble de l'absurdité, connaissent également des sécessions internes (sunnites / chiites - protestants / catholiques / orthodoxes). Pour dire que nous n'avons rien de positif à attendre du "retour du religieux", notamment sous cette forme archaïsante, quand le monde arabo-musulman a connu une période éclectique comparable (et antérieure) à la Renaissance en Occident. - Il faut que nos règles soient claires et non négociables, notamment : égalité homme-femme (et caractère délictuel des sévices aux enfants), aucune incursion du religieux dans l'espace politique (stricte séparation de l'Église et de l'État). - Le problème le plus important est la volonté de domination et le prosélytisme de l'islam militant, la haine viscérale des juifs (un autre chapitre car c'est un phénomène assez récent) mais aussi des blancs ("croisés" !) : une sorte de délire de toute-puissance qui inverse - comme dans les psychoses bipolaires - une situation d'impuissance réelle (chômage, délit de faciès, exclusion)à laquelle il faut évidemment remédier de toute urgence.

    Voilà pour un début. Peut-être Vlad interviendra-t-il ici, puisqu'il vient de publier une note sur la laïcité > http://autantenemportelevent.blogs.nouvelobs.com/archive/2016/01/22/diversite-laicite-et-le-reste-577924.html

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    1. SK,

      Vous : « Il faut tenir compte du poison que représente la religion monothéiste en général, dont les trois formes n'ont cessé de s'affronter (…). »

      Ce commentaire-ci ne porte que sur cette citation. Votre position est déterminée et comme sans appel. Je dirais, quant à moi, que c’est surtout lorsque les religions accaparent le champ du politique dans son ensemble qu’elles deviennent dangereuses et meurtrières ou lorsqu’elles sont accaparées par le pouvoir politique.
      Ah ! Si par exemple, pour ce qui concerne l’Occident, on en était resté à l’Edit de Milan (313) qui consacrait la liberté de culte dans tout l’empire romain ! Mais non, quelques décennies plus tard, l’empereur Théodose proclamait l’état de chrétienté, le christianisme devenant religion d’état pour des siècles et des siècles. Les cultes païens sont interdits (mais ils avaient déjà quasi disparu) et les Juifs deviennent et demeureront des citoyens de seconde zone, voire souvent des non-citoyens, ghettoïsés, persécutés et expulsés.
      A ce propos, dans votre hypothèse d’un incessant affrontement entre les trois formes de monothéisme, il me paraît qu’il faudrait différencier le judaïsme des deux autres. Historiquement, ce sont en effet le christianisme d’abord, l’islam ensuite, qui ont contesté, parfois avec virulence (1) le judaïsme et se sont affrontés entre eux, théologiquement et de façon guerrière. Ce n’est pas le cas du judaïsme qui n’a jamais eu de prétention prosélyte et qui, tout au long de l’histoire occidentale du 4e siècle jusqu’à la création de l’Etat d’Israël, n’a été porté que par des diasporas sans aucun pouvoir politique, et qui plus est, à cause de l’antisémitisme ambiant, se faisaient les plus discrètes possible. Les fondateurs de cet état l’ont voulu et bâti laïque, mais depuis plusieurs décennies le religieux politique (celui qui défend le « Grand Israël ») ne cesse de se renforcer.

      Je suis d’accord avec vous qu’il n’y a rien à attendre de bon du « retour du religieux ». L’expression est pertinente car elle suggère clairement le « retour du refoulé ». Je distingue le « spirituel » (le soufisme par exemple pour l’islam) et le « religieux » ; le religieux impliquant orthodoxie, organisation, pouvoir institutionnel (prêtres, pasteurs, popes, imams) et d’influence dans la société civile.

      (1) Je songe ici à la publication de Martin Luther, « des Juifs et de leurs mensonges » (16e siècle) et dont certains historiens (Raul Hilberg par exemple) affirment qu’elle est une des sources d’inspiration et du succès du nazisme dans la population allemande protestante.

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    2. Suite (1)


      Une remarque en passant d’abord (mais importante pour moi) : Dans une certaine atmosphère, un dialogue est tout à fait possible, tout aussi bien sans désaccord de point de vue qu’avec. J’ai pu bénéficier d’une qualité d’échange ici avec Vlad, qui aurait été impossible sur la blogosphère de l’Obs dans les conditions actuelles (et qui commencent sérieusement à dater !). Je pense aussi que quand on sait que son intervention sera immédiatement publiée et qu’on n’a pas à être anticipativement stressé par la crainte de la voir censurée, on peut prendre le temps de réfléchir. Pour moi, et sans doute pour vous aussi sur vos différents blogs, le plus utile est cela même, tenter de penser le mieux possible (le mieux dont on est capable) et non de polémiquer ni de convaincre à tout prix. Et rien de tel, pour cela, que de pouvoir lire sereinement le point de vue de l’autre (qui ne vient pas pour vous agresser), se laisser interpeller par son point de vue différent, et en tout cas être ainsi amené à devoir approfondir sa propre argumentation. Je préfère peu de commentaires mais de cette qualité-là. Au fond, c’est vital d’abord pour soi, je veux dire pour n’être pas distrait par de stériles et souvent infantiles disputes.
      Puisqu’il faut être capable aussi de penser contre soi-même pour s’inscrire dans la dynamique de l’exigence de vérité, le cadre et les conditions dans lesquels on s’y risque, apparaissent tout à coup essentiels.

      Comme vous, - et je suis plus ferme depuis la multiplication d’attentats terroristes en France -, je pense qu’il faut affirmer l’importance de la stricte neutralité de l’Etat, et qu’il ne faut pas transiger sur les articles fondamentaux de sa Constitution, dont la séparation claire et nette entre lui et les pouvoirs religieux, ni sur l’égalité homme-femme (quand bien même elle n’est pas encore effective chez nous), ni sur l’obligation pour tous ses agents de se conformer à son absolue neutralité. Et, je crois, la loi bien comprise de 1905 pourrait suffire pourvu que la détermination suive.

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    3. Suite (2)


      Bien sûr, je n’ai jamais été « pour » le voile intégral, mais j’ai été de ceux qui pensaient que c’était un phénomène tout à fait marginal, et qu’à s’en obséder, on perdait de vue les vrais problèmes que rencontre la population issue de l’immigration maghrébine, telle que la discrimination au faciès, à l’embauche et au logement.
      Depuis un hier assez récent, j’ai dû réaliser avec plus d'importance déterminante qu’hélas il n’y avait pas seulement ces problèmes-là (déjà suffisamment graves), mais qu’il fallait prendre en compte de plus en plus sérieusement l’influence effective exercée par des idéologues islamistes, à tous les niveaux, de son pouvoir (international) jusqu’au plus modeste des recruteurs-racoleurs dans les quartiers-ghettos ou la prison (sans oublier les sites islamistes sur la Toile et qui peut aussi contribuer à l’endoctrinement de jeunes issus de la classe moyenne).

      Mais encore une fois, il nous faut mener un double combat : à la fois sur le terrain de la discrimination socio-économique inacceptable et sur celui des fondements de la République. Nous pourrions mieux et plus efficacement combattre l’entrisme islamique au niveau des institutions étatiques si, dans le même temps, nous exigions de l’Etat qu’il mette le « paquet » du côté des banlieues et de l’enseignement. Mais, comme souvent, un malheur est rarement unique au tableau des fléaux. Il est certain que la dernière, après l’autre dernière, et avant la nouvelle, crise économique dû surtout aux jeux spéculatifs de la haute finance, complique de façon grave n’importe quelle politique sociale au niveau national (voire européen). On n’a plus les budgets, donc on finit par ne plus avoir du tout de projet consistant pour le citoyen du tout en bas de l’échelle socio-économique.

      Je reste, à preuve du contraire, convaincue que c’est l’économique qui est déterminant, en première comme en dernière instance.

      Mais, la société-spectacle nous distrait tous de l’essentiel, au grand bonheur du haut de l’échelle sociale qui peut ainsi conserver ses privilèges en même temps que d’y espérer passer inaperçu et vivre en paix, et dont les effets atteignent (souvent par le « téléphone arabe ») jusqu’au bas de l’échelle, mobilisant souvent pour telle actualité de pure surface, le meilleur des énergies de son élite, avec pour conséquence pas toujours consciente que celle-ci s’excite (et s’épuise surtout) autour d’épiphénomènes médiatiques bien programmés, scandale après scandale (‘vous en faites pas, il y en a chaque semaine !) et finisse par se laisser prendre elle-même dans les rets du piège médiatique qui inféode tout le monde à son actualité-clash : hier, autour de la dernière sortie de Nadine Morano, aujourd’hui (comme hier en fait et comme demain) autour de celle de Wiam Berhouma (9 minutes) contre la énième intervention de l’académicien et peu philosophe Alain Finkielkraut, et qui bénéficie de très longs temps de parole sur les médias à fréquence très régulière et sur la majorité des médias.

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    4. Bien lu vos remarques. - Je reste convaincu - en envisageant la possibilité de me tromper - que le mal vient des monothéismes (vs. polythéisme ou panthéisme) qui par définition excluent - chacun à sa façon - toute autre forme de croyance (comble de l'absurdité : il y a trois théologies différentes qui prescrivent un seul - le même ? - Dieu et - comble du comble - connaissent des sécessions internes) : les guerres de religion - qui masquent bien sûr des intérêts politiques et économiques bien "terrestres" - en sont la conséquence logique.

      Éducation : Je ne sais pas comment c'est en Belgique, mais en France la formation des enseignants est totalement inappropriée. De plus, les systèmes de mutation dans un pays qui souffre d'un centralisme excessif fait que les jeunes profs inexpérimentés (en plus d'être mal ou pas préparés du strict point de vue pédagogique) se retrouvent dans les établissements les plus difficiles où il faudrait des enseignants chevronnés, passionnés par leur métier, leur matière... Ce n'est pas tant une question de moyens - qui manquent évidemment aussi : classes trop chargées, trop hétéroclites - que d'état d'esprit : les rédacteurs des fameuses Instructions Officielles, maniaques de la didactique, changeant de concept à chaque décennie (échec) ne connaissent apparemment pas grand-chose aux problèmes / besoins réels des élèves(et des profs) dans le monde contemporain où les tablettes, smart phones, réseaux "sociaux" accaparent / abrutissent les enfants...

      Spiritualité, enfin: Je pense que la Philosophie a eu tort de renoncer à la métaphysique car elle laisse la place aux prêcheurs, bonimenteurs, idéologues de tout poil. Or, face aux mystères de la vie, de la nature, du cosmos, les gens ont besoin de demander "Pourquoi ?" - question à laquelle les sciences ne peuvent répondre... Ayant développé ce point ailleurs, je m'arrête là en vous saluant bien cordialement.

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    5. sk, vous exprimez une position radicale à l'encontre des religions, mais l'affontement actuel est davantage de nature culture/civilisations. S'il n'existait *aucun* conflit géopolitique ni contentieux historique orient/occident, il n'y aurait pas ces crispations sur les "signes ostensibles".

      Vous ressortez le réquisitoire en vogue contre les seules religions monothéistes, oubliant qu'il y a aussi un fondamentalisme violent hindouiste par exemple (oui, mais sous d'autres cieux) et athée (le soviétisme). Je pense donc que c'est non tant la religion que le fondamentalisme dans toute doctrine qui constitue le "poison".

      Nolats

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    6. Possible. Mais je considère l'absurdité logique d'un seul dieu avec trois théologies à caractère exclusif qui, de plus, connaissent des scissions internes violentes (catholiques/protestants hier, sunnites/chiites aujourd'hui). - Je n'ai pas pour l'instant lu de contre-argumentation sérieuse, et votre courte objection est un peu trop polémique ("Vous ressortez le réquisitoire en vogue") pour être consistante...

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    7. SK, (1)

      Je peux tout aussi bien que vous me tromper, en tout ou en partie dans mon propos sur la question religieuse. Selon vous, « le mal vient des monothéismes (vs. polythéisme ou panthéisme) (…)». Je n’arrive pas à adhérer à cette proposition (hypothèse). En tout cas pas sans quelques sévères réserves.
      Ce n’est évidemment pas un « bien » en soi qu’il y ait trois monothéismes, et c’est même sans doute surtout un « mal » d’un point de vue historique (et de l’actualité pour le plus récent des monothéismes), car ce furent (ou ce sont) des guerres de religion, en tout cas pour les deux monothéismes qui se sont créés avec et contre le judaïsme. Guerres intra-religieuses (catholiques, orthodoxes, protestants (calvinistes et anglicans) ; sunnites (salafistes et wahhabites), chiites (alaouites, druzes) ; guerres interreligieuses (les Croisades, guerres contre les « infidèles » non musulmans) ; sans parler, contre les israélites, des ghettos, pogroms, expulsions, et le statut inférieur de dhimmi en terre d’Islam…
      Comment pourrai-je appeler cela un « bien » !

      Mais, il me semble que vous allez plus loin en visant le monothéisme en tant que tel (et donc aussi le premier, le judaïsme). Je n’ai pas assez réfléchi à cette énorme question, et je regrette, dans cette discussion avec vous, de n’avoir par exemple jamais lu « Moïse et le monothéisme » que Freud publie l’année de sa mort (1939), et l’influence du monothéisme (païen) de l’égyptien Akhenaton aux origines de celui du judaïsme mosaïque.

      Toutefois, qu’on le veuille ou non, il y a bien réalités monothéistes depuis des siècles et des siècles (des millénaires même), dans notre monde contemporain, et il faut donc faire avec. Ce pourquoi, personnellement, je tiens à la distinction entre spiritualité (religieuse) et religion à l’état « brut » (dogmes, orthodoxie, pouvoir institutionnel clérical et d’influence politique et sociétale), afin que ce soit la dominante spirituelle qui l’emporte sur le dogmatique sectaire au sein des trois religions. Je sais bien que ce n’est pas ce courant-là qui l’emporte en ce début de 21e siècle, et sans doute à cause du caractère totalitaire, politique et fondamentaliste, de certains courants intransigeants et violents au sein de l’Islam. Mais, pour ce qui concerne le dialogue interreligieux entre les différents cultes chrétiens entre eux et avec le judaïsme (et certains imams), je considère que d’importants progrès ont été réalisés sur le plan de la spiritualité (cf. les rencontres œcuméniques d’Assise en Italie, sous l’instigation du pape). Du moins en tout cas par rapport à un très lourd passé d’intransigeance meurtrière au sein du christianisme.

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    8. Suite (2)

      Je pense aussi que, en Occident, avec les siècles et surtout dès la fin du 18e, grâce aux penseurs des Lumières et l’événement de la Révolution Française, l’état de chrétienté a été enfin aboli, à savoir la théocratie, pour être définitivement (du moins tant que nous le voulons de façon déterminée) par un état moderne, démocratique et entièrement laïc. Je n’entends pas idéaliser l’état du christianisme depuis lors. Je sais bien que c’est d’abord, contraint et forcé, et parce que l’état laïc a réduit sa sphère d’influence, qu’il a dû évoluer vers ce qu’il a de meilleur en fait, sa spiritualité.
      Le hic aujourd’hui semble demeurer du côté de courants autant sunnites que chiites, qui souvent, au bénéfice de l’opposition (et l’énorme ressentiment qui va avec) à leurs anciens (encore récents) dirigeants coloniaux ou propres dictateurs – et qui ont réprimé, souvent dans la violence, un islam intégriste -, croient que c’est contre la démocratie (vue comme un mal occidental) qu’ils doivent créer leurs états ; califat contre démocratie. C’est évidemment très regrettable. Mais il y a des forces progressistes qui dans les pays arabes ont fait déjà entendre leur voix dans cette lame de fond que l’on a appelé « le printemps arabe ». Il semble avoir perdu une bataille, mais pas automatiquement la guerre sur le long terme, contre le pouvoir politico-religieux. Parfois il faut des centaines et des centaines d’années pour obtenir une authentique émancipation. Perso, je ne désespère pas.


      Mais j’ai surtout une autre objection à ce que vous identifiez comme « mal », et en fait elle me vient, personnellement, depuis l’événement apocalyptique d’Auschwitz, quand bien même je sais bien que le mal s’est déjà fait radical ou absolu avant. Il n’empêche que depuis que j’ai pu effectivement me rendre compte de ce que fut l’entreprise savante, étatique, bureaucratique et industrielle de la Shoah, je ne crois plus possible de penser l’humanité qu’à partir une telle catastrophe.

      Comment penser depuis, ou plus exactement à partir d’Auschwitz, me paraît tâche primordiale. Du moins ici, dans la pensée occidentale.

      Ainsi, s’obliger à remettre en question l’opposition quasi métaphysique d’hier encore, entre civilisation et barbarie. Le pire que nous avons connu sous le National-socialisme, c’est bien l’efficience de la civilisation au service de la pire des barbaries (et son efficacité en méthodes et en temps n’a jamais été égalée ; les exécutions de Daesh sont atroces mais ne sont pas programmées avec l’inouïe efficacité de la politique nazie et ses différentes phases d’isolement scrupuleusement programmées avant extermination. Or la majorité des leaders nazis étaient antichrétiens. Certains mêmes voulaient farouchement réactiver le fonds mythologique de la culture païenne allemande (d’où le culte quasi « religieux » voué à la musique wagnérienne). Mais, par contre, si ce régime a dû interrompre son plan d’euthanasie des handicapés allemands, c’est bien à cause de la pression que les Eglises (protestantes et catholiques) ont affichée avec la plus grande fermeté.

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    9. Suite (3)

      Il faut aussi parler de l’autre totalitarisme du 20e siècle, le communisme marxiste-léniniste, particulièrement sous Staline. L’idéologie communiste a fait sienne de façon caricaturale et musclée, le propos de Marx à propos de la religion comme discours idéologique des dominants capitalistes pour droguer les pauvres opprimés. Et l’Etat s’est fait athée, et il a été nettement plus monstrueux encore que nos anciens régimes monarchiques européens de droit divin.


      A titre personnel, parce qu’il y a eu Auschwitz, je ne peux plus penser l’humanité de l’humain comme avant. Je sais que quoi que soit sa culture, son éducation, sa religion ou son athéisme, dans certaines conditions et où particulièrement il se sent menacé, il est tout à fait capable du pire, du pire qui soit, du pire qu’il est encore capable d’inventer.

      Ceci écrit dans une atmosphère de franc dialogue, et de ses exigences, à savoir de nécessaire argumentation. J’ai argumenté mais, je suppose bien que vous le savez, ce n’est pas pour autant que je me octroie le discours de la vérité à moi toute seule ! Ouf ! Je ne suis plus d’abord sur l’Obs !

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    10. SK, je montrais des contre-exemples à la focalisation sur les seules religions monothéistes conduisant selon vous par nature à plus de violence.

      Après cela, qu'il y ait des "variantes" entre ces religions et des luttes entre les différents courants, c'est le cas de tous les systèmes de pensée, chacun pense défendre la "bonne" compréhension; cela ne réfute pas l'idée générale.

      PS: veuillez excuser la formulation succincte qui peur paraitre péremptoire, je ne suis pas de formation littéraire, et n'excelle donc pas dans les développements en long, large, travers et diagonale pour rouler la boule de neige. Right to the point.

      Nolats

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    11. Plumeplume, merci des réponses élaborées que tu apportes suite à la remarque de SK concernant les religions. C'est vrai que sur ce support, la réflexion est plus sereine, sans le défilé des derniers articles et la course aux commentaires.
      Nolats

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  2. "Le religieux", notamment pour nos cultures allaitées au monothéisme abrahamique, devrait être SPIRITUEL. La citation prêtée à Malraux, attribution contestée peut importe, devait je pense voir le XXIème siècle, après l'explosion matérialiste du XXème, comme une recherche d'élévation, de regard sur l'Autre, de réaménagement du lien social (du moins dans nos pays nantis) à travers les vertus, les valeurs, que les religions "du Livre" pouvaient développer.

    Et ce n'est pas ce qui se produit. Chaque monothéisme, et à l'intérieur chaque branche (la voisine étant schismatique...) abrahamique, mais plus particulièrement l'Islam parce que tellement plus répandu dans les "pays du sud", dans des régions pauvres, et dans notre Europe dans des populations plutôt en difficulté économique ou même quasiment rejetées, développe un discours identitaire qui ne peut qu'être passéiste, que revenir à des origines d'écriture... En ce sens, pour les sunnites, le wahhabisme (élaboré au XIXème siècle) est pain bénit.

    De SPIRITUEL notre siècle devient IDENTITAIRE. Le nationalisme dépasse la notion de territoire et de frontières, dépasse même le seul lien ethnique, pour recomposer des sociétés dont le plus grand commun dénominateur est une "révélation" religieuse.

    Et là, tout est possible pour des manipulateurs de cerveaux comme pour des illuminés. Surtout si on y ajoute la dimension recherche d'absolu, au moins d'aventure permettant de se dépasser, de jeunes adultes et d'adolescents, proies éminemment vulnérables...

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    1. Bruno,

      D'abord merci de venir jusqu'ici. Je dois beaucoup à SK d'avoir moi-même osé enfin quitter la blogosphère de l'Obs et ce n'est que soulagement et joie de retrouver enfin (il était temps !) ma liberté de penser et de publier.

      De dialoguer aussi, dans un climat à nouveau favorable.

      J'ai apprécié ton commentaire, et particulièrement, si je ne me trompe pas, que tu aies pu le rédiger comme tu le voulais, avec ta liberté de pensée sauvegardée.

      Je suis d'accord, sans réserve, avec ton commentaire.Je le reçois aussi comme un cadeau, comme un encouragement surtout à demeurer la plus exigeante possible avec moi-même, ici sur un blog libre.

      Tu as raison à mes yeux d'insister sur la notion de nationalisme (arabe), autour comme tu dis, du plus grand dénominateur commun, l'islam. Nous ne perdons pas de vue alors, toi et moi, je suppose, que celui-ci fut terriblement déçu, particulièrement à la fin de la seconde guerre mondiale, quand ses promoteurs se sont sentis lâchés et trahis par les promesses non tenues par ce qu'on doit à l'époque encore appelé l'empire britannique. Les autorités de ce dernier, ayant eu en vue la fin de l'empire ottoman en jouant avec les aspirations nationalistes arabes. Espoir immense ; déception tout aussi immense après guerre. Sans doute, nous n'en avons pas encore fini, ni avec les conséquences de la colonisation au Moyen Orient même, ni surtout hélas pour nous aujourd'hui avec de très prégnants ressentiments contre l'Occident, et jusque dans nos pays.


      Les temps présents ne sont pas au "spirituel" (que tu mets judicieusement en majuscules pour le différencier du "religieux"), mais hélas à de nouvelles pseudo guerres de religion, et hélas, chez nous, malgré de remarquables propos qui mettent en garde, nous succombons de plus en plus, de mieux en mieux, au grand clash de "civilisation". Ca réjouit les imbéciles de tous les bords et les marchands d'armes en particulier.

      Et en avant-garde, comme depuis quasi la nuit des temps, c'est le discours identitaire qui sert de levier pour la guerre. Nous ici, nous devrions y résister à la lecture des millions et des millions de morts que telle logique a déjà entraîné sur le territoire européen. Mais non, ici aussi la logique dominante est au discours identitaire et à sa musculation, au grand plaisir pervers ou carrément fou de ceux qui, en effet, intoxiqués par une littérature de type apocalyptique, croient que c'est la fin des temps aujourd'hui, à l'heure de leur aujourd'hui.

      Bruno, on est assez mal barré actuellement pour parler de spiritualité, d'indispensable recherche de sens à donner à l'existence, surtout pour les jeunes qui n'espèrent plus rien du tout de l'avenir.

      Et pourtant, il faut que des hommes résistent à ce nouveau pire ; il y en a - ils font peu de bruit médiatique - et il en faudra demain, car il est à craindre que l'islamisme terroriste dure plus longtemps que le temps d'une seule génération.

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  3. Attention mon amie : ce que j'ai voulu appeler nationalisme n'est pas le panarabisme mais la transposition politique d'une identité confessionnelle, en fait arabo-musulmane (ce serait, c'est je pense, un nationalisme transnational... en quelque sorte). La seule faille dans ce phénomène identitaire s'apparentant à du nationalisme, c'est la coupure (euphémisme) Chiisme/Sunnisme.

    Quant à notre liberté de dialoguer... oui dans la mesure où tu as la maîtrise de la modération. Mais le type qui fabrique des "fiches" qui copie ici et là tout ou partie de textes et de commentaires et qui veut nuire à... à beaucoup, mais avec une prédilection pour mon entourage blogosphérique, et un véritable sadisme calomniateur en ce qui me concerne, pourra aussi se pointer et picorer ce qui l'arrange dans son entreprise.

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    1. Je reviendrai plus tard, mais juste te dire qu'en effet j'avais mal compris ton allusion au "nationalisme".

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    2. A propos de ton dernier paragraphe :

      Bien sûr, Bruno, la liberté (pour tenter de mieux réfléchir surtout- cf. mon commentaire à SK) dont je parlais ne nous protège pas de la malveillance. Surtout toi, je suis bien d'accord, et ça me désole.

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  4. Je reviens vers ton blog Plumeplume pour te dire qu'un très long article du Monde de ce week-end, de Jean Birnbaum, ayant pour titre "La foi, personne n'y croit" En fait, Le Monde a utilisé de longs extraits du livre de Birnbaum "Un silence religieux", livre qu'il présente ainsi "Dans Un silence religieux - La gauche face au djihadisme", Jean Birnbaum, responsable du "Monde des Livres", constate l'incapacité de la gauche )à appréhender l'islamisme, tentant désespérément de le ramener à sa seule dimension sociale. En évacuant la religion de son mode de pensée, elle se condamne à ne rien comprendre de ce qui se joue"
    Il est de fait que notre rationalisme, notre... foi dans le progrès et donc dans le progrès social (et pour une partie de la gauche le marxisme-léninisme qui tire un voile culturel sur le fait religieux, la mystique, les rituels et les symboles... quoiqu'il en ait substitué d'autres... Note perso !) nous empêchent de voir, mieux : nous ont conduit à refouler ce qui dans une religion peut conduire au fanatisme.[*]
    Mais bon, ce n'est pas sur cet aspect que je revenais commenter à l'aide de cet article, mais seulement pour te manifester que je me trompe moi-même dans mon précédent commentaire en passant du SPIRITUEL à l'IDENTITAIRE. Ce n'est évidemment pas faux, mais moi-même je l'écris avec tout le poids de ce rationalisme, dans un environnement laïc, qui fait que je minore le poids du religieux vécu, accepté, même avec une connaissance minimaliste des textes (sourates, hadiths, etc), je minore le poids de la foi dans mon explication du siècle... En cela, Birnbaum a raison. Je voulais donc revenir sur mon écrit précédent et le compléter.

    [*] J'écoutais il y a un mois un philosophe (le nom m'échappe, c'est le vieilhou !) maghrebin, laïc mais connaisseur de l'islam, même en termes de théologie, qui parlait des musulmans de France, des imams, et parmi eux de ceux qui sont "éclairés". Et de citer Tareq Oubrou, l'imam de Bordeaux (dont j'ai parlé plusieurs fois sur mon propre blog), un homme de bien, un clerc qui démystifie la vulgate fondamentaliste, le wahhabisme, le salafisme. Mais auquel il reprochait de s'arrêter au religieux, à la religion, à l'enseignement du Prophète. Donc, implicitement d'accepter la prééminence de la Foi dans la conduite de vie de chaque croyant(e). Il aurait voulu qu'il aille jusqu'au social, jusqu'au sociétal, jusqu'à la société laïque, jusqu'à l'acceptation du "musulman déconfessionnalisé".

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    1. Bruno,

      Je voudrais d’abord intervenir un peu en marge de ton commentaire.

      Je tiens fort à la distinction, surtout dans la conjoncture actuelle, entre spiritualité et religion. A gros traits, la spiritualité, qu’elle soit inspirée par une religion ou pas, participe de « l’élévation d’âme » (je sais, la formulation est maladroite et vieillotte), en donnant sens et chair aux valeurs fondamentales comme le respect, la bienveillance, la justice, l’attention au plus faibles ; tout en le mettant en communauté de partage. C’est bien dommage que l’on ne parle quasi pas ou plus du soufisme aujourd’hui parce qu’en effet l’islamisme radical, archaïque et surtout terroriste menace tout le monde. Dommage aussi parce que du coup, de plus en plus de gens se convainquent que c’est le tout de cette religion en son essence qui constitue un péril en soi.

      Je reste très préoccupée par les effets dévastateurs du matérialisme consumériste occidental (quoique il se mon(s)tre de façon extrême aussi aujourd’hui dans des pays « émergeants » comme la Chine et l’Inde).
      Très inquiète pour la jeunesse. S’il y a bien un âge où l’humain éprouve un besoin vital de sens à donner à son existence et au monde, c’est bien celui où il s’apprête (pas de façon nécessairement consciente) à procréer.
      Je pense qu’on ne prend pas la mesure du nihilisme dans lequel nous baignons en Occident. Sur ce point précis-là, je suis nietzschéenne. Le philosophe allemand subodorait en effet que « la mort de Dieu » (l’athéisme donc) nous entraînerait dans une longue nuit nihiliste (de ressentiment, de pure réactivité, de déplacement du religieux sur d’autres objets – le politique (le communisme par exemple) ou le dieu argent -).

      Voilà pourquoi, il me paraît qu’il ne faut surtout pas jeter le bébé (la spiritualité) avec l’eau du bain (n’importe quelle des trois religions monothéistes). Et là, je me démarque de Nietzsche.

      Autre fléau dû au consumérisme ou (et) à la perte de l’importance vitale d’une spiritualité fédératrice, c’est l’individualisme. Chacun peut se dire très fier de penser tout seul devant son écran ( !) par exemple, mais du coup, et comme il est tout de même un être social, il ne se met plus en relation qu’en clan, avec exclusivement des hommes qui voient les choses comme lui. Et hélas aujourd’hui, le beau mot de « communauté » ne signifie plus la plupart du temps que « communautarisme ».

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    2. erratum : "aux plus faibles".

      P.S. Ici, je ne vois pas du tout comment rectifier un commentaire, sinon en le supprimant purement et simplement.

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    3. Ta mise au point n'est pas marginale par rapport à mes commentaires. Mieux, elle les éclaire. Car je fais bien le distinguo religieux/spiritualité. Pour résumer : la citation dit du XXIème siècle qu'il sera religieux ou ne sera pas (ou quelque chose de très approchant). Mais qu'est-ce que le religieux ?
      Et justement, je dis que cela aurait pu se traduire par le retour ou l'accomplissement de la SPITITUALITÉ, mais que ça tourne plutôt vers l'IDENTITÉ ou, dit autrement, l'identification à une filiation religieuse, à une communauté dont la remligion est...
      Le religieux est d'une certaine façon irréfléchi, ou s'il l'est c'est en termes de choix (et dans le cas de la radicalisation islamiste c'est un choix souvent plus "contre" que pour) mais pas en termes d'ascèse (euh... le vrai djihad du croyant pour les musulmans). La spiritualité, c'est une élévation de l'esprit, le plus souvent induite par un approfondissement religieux (auquel cas l'esprit est "l'âme"), mais pas nécessairement.

      Et on en arrive au soufisme dont tu regrettes l'effacement. Effectivement... J'avais il y a trois ans pris contact avec les scouts musulmans de Bordeaux, une troupe se réclamant du soufisme. Ils m'ont écrit et je n'ai finalement pas donné suite me rendant compte que "qui trop embrasse mal étreint".
      On a l'impression que le wahhabisme chez les sunnites, mais aussi le chiisme "khomeiniste", doivent éliminer toute "chapelle", tout îlot de réflexion religieuse et théologique, ce qui est "déviant" ou potentiellement "séditieux"...

      Lorsque tu parles de spiritualité fédératrice, je ne peux m'empêcher de penser à ce que j'ai connu de la vie monastique (catholique celle-là, et très extérieurement : travail à la ferme, service de la messe...) où le(la) religieu(se)x a de longs moments de méditation et de prière solitaire, et d'intenses moments de communion, d'élévation collective... Communautaire donc. Mot, comme tu le dis, faisant l'objet de rejet compte tenu d'une connotation politico-ethno-culturelle... Tiens ? On retombe sur l'identification, l'identité...

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    4. J'en reviens à ton commentaire qui en fait interroge, je crois, notre sacro-sainte (!) rationalité.

      Je me demande, quant à moi, si on n'oublie pas trop vite aujourd'hui le long cheminement de la théologie chrétienne et qui, grâce à des philosophes d'abord (Thomas d'Aquin, Descartes, Spinoza, Kant), a commencé à vouloir tenir ensemble raison et foi. Histoire compliquée, semée d'obscurantisme de la part du religieux, mais qui a effectivement fini par l'emporter, du moins dans les courants dominants du christianisme. Ne pas tout de même trop minimiser le courant évangéliste américain (et très prosélyte dans le Tiers-Monde) et qui refuse (parfois de façon violente dans les écoles) l'enseignement de la théorie de l'évolution, et qui, grâce à des subsides très importants, défend de façon acharnée le créationnisme.

      Je pense donc, contre le philosophe dont tu n'as pas retenu le nom, qu'il ne prend pas suffisamment en compte la très difficile et nécessairement longue confrontation contemporaine interne de l'islam avec la modernité. Il aurait dû, je trouve, avoir en tête notre propre histoire de la pensée devenue commune, largement marquée par ses grands philosophes, et qui étaient encore effectivement chrétiens quand ils ont -remarquablement souvent - tenté de tenir ensemble foi et raison.

      Le hic de ne garder plus que la raison, comme c’est en dominante le cas chez nous, c’est que l’on ne mesure pas ce que l’on perd d’important pour l’humanité en communautés plurielles, - je veux dire d’abord celles qui dépassent le cercle du milieu familial, d’amis et de classe sociale -, avec l’abandon et surtout le rejet du second terme (la foi). Et c’est en tant que mécréante que je le dis.

      L’humain quel qu’il soit a besoin de sens, doit arracher un sens à sa condition d’animal mortel pour ne pas sombrer dans la désespérance de l’absurdité de sa propre et éphémère existence. Autrement dit, l’homme a besoin de quelque chose qui transcende sa propre petite vie individuelle de mortel.

      En confondant spiritualité et religion, et surtout en renonçant à toute spiritualité, eh bien, on est mal barré, je pense ! Non seulement pour nous-mêmes mais aussi vis-à-vis du monde musulman, car l’islam, surtout dans sa forme la plus éclairée, permet précisément de donner sens à sa vie, au-delà de son petit quant à soi.

      Je précise que pour ma part, je trouve cette nourriture spirituelle-là, auprès d’une femme rabbin, alors que je suis mécréante et non juive.

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    5. Bruno,

      Je n'ai découvert ta réponse qu'après avoir publié la mienne !

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    6. Bruno,

      Merci pour ton commentaire auquel je souscris sans réserve.
      Aussi parce que au préalable, autant toi que moi, nous différencions religion et spiritualité de la même manière ici même et qu'il n'y a donc pas inutiles quiproquo.

      Ce n'est pas le cas dans la discussion que Momo a entamé avec toi sur le blog de Vlad et que je viens de découvrir, et cela parce qu’il ne tient pas compte de la distinction que comme moi tu établis entre religion et spiritualité, et qui sous-tend ton propos même. En conséquence, il donne certes ses opinions mais son propos ne s’articule nulle part au tien.
      Ni aux miens d’ailleurs depuis que j’ai émigré, et auxquels il continue de faire très vagues allusions ici et là en blogosphère ! Et dans la dernière réponse qu’il te fait chez Vlad, il y en a un p'tit paquet !

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  5. D'accord avec Bruno sur la composante "identitaire" attachée au formalisme religieux (cela renvoie à l'expression traditionnelle "la religion de nos pères").
    Pas d'accord avec les affirmations des uns et des autres qui "opposent" spiritualité et religion (avec une focalisation anti-religions abrahamique), un peu comme si on opposait pensée et philosophie. Certes, on butte encore sur la multiplicité de signification des termes, "religion" étant alors réduit à l'institution, au formalisme prescriptif, au cléricalisme et au fondamentalisme. Pourtant si on considère le "message" religieux, parlons par exemple du christianisme, ce n'est pas Savonarole mais sœur Emmanuelle qui en est le témoin authentique.

    Nolats

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    1. Salut Nolats,

      Pour ce qui me concerne (mais je pense qu'il en va de même pour Bruno), je n'oppose pas purement et simplement religion et spiritualité mais tiens à les différencier ; et ce n'est pas le même geste intellectuel. Pour prendre une métaphore musicale, différencier ce serait parler en termes d'intensité, en "majeur" ou en "mineur".
      Quand tu donnes un exemple de "message religieux" (soeur Emmanuelle), eh bien pour moi, tu te situes (en majeur) du côté spirituel (religieux).

      Je ne me retrouve pas non plus dans ta parenthèse "avec une focalisation anti-religions abrahamique".

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    2. En effet, Plumeplume, l'hostilité aux religions monothéistes n'est pas de ton fait.
      Le terme "religion" est souvent interprété en tant qu'institution et préceptes formels, davantage que le message, l'enseignement -j'évite le terme doctrine-

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